Le Service européen d'action extérieure (SEAE) vient d'apporter à son tour une première pierre au sommet « Défense » de décembre. Notamment sous la forme d’un
rapport, intitulé « Révision stratégique », sur sa propre organisation et fonctionnement. On y trouve, pour ce qui concerne le volet « sécurité
et défense », tantôt des initiatives d’ordre
bureaucratico-institutionnel (fusionner les divers « centres d’urgence »
de l’UE, remplacer les représentants des présidences tournantes par des gens du SEAE à la tête des groupes de travail), tantôt des
propositions de bon sens qui sont dans les tuyaux depuis longtemps (accélérer
les procédures de prise de décision, de même que les délais de financement et d’acquisition). Tantôt des interrogations vagues (sur les domaines de responsabilité et les
chaînes de commandement, ainsi que sur la disponibilité de l’expertise
militaire dans les différents départements), qui restent à clarifier par les Etats avant l’échéance de décembre. On notera en particulier la phrase « sans
préjudice du profil spécifique et du statut administratif du personnel
militaire au sein de l’EMUE (Etat-major de l’UE), des pistes doivent être
explorées pour faire en sorte que leur expertise soit plus largement et plus
directement à la disposition d’autres départements du SEAE, de même que dans
les délégations UE ». Si, à première vue, le principe d’introduire la
perspective militaire partout où il en manque apparaît plus que séduisant, toujours est-il qu’à moins d’étoffer
au préalable l’EMUE, le risque est réel de voir ce dernier émacié et éparpillé
dans tous les sens.
La dernière Lettre
de la Représentation militaire française à l’UE se propose d’aborder trois
sujets d’actualité. Premièrement la stratégie européenne de sûreté maritime en cours
d’élaboration par le SEAE et la Commission, laquelle devrait s’appuyer sur « des
intérêts stratégiques majeurs » que les Etats membres partagent dans ce
domaine, afin de poser « les bases d’une réflexion et d’un cadre de
coopération cohérent ». Il était temps. Surtout que, de son côté, l’OTAN a
pu sortir un
document semblable il y a plus de deux ans. La Lettre présente ensuite le centre de réaction d’urgence (Emergency Response
Center, ERC) de la DG ECHO, inauguré en mai dernier, susceptible d’être
activé « en cas de catastrophes naturelles et humaines pouvant impliquer
ou non la mise en œuvre de la clause de solidarité ». Cette fameuse
clause qui, de pair avec l’article 42 §7 sur l’assistance mutuelle, mais de manière plus pratique que celui-ci,
pourrait servir de prélude à une (très éventuelle) défense collective. Finalement,
l’IntCen, le centre d’analyse du
renseignement de l’UE est passé au crible. Pour en arriver à la conclusion que,
malgré toutes ses vertus, les deux mois qu’il lui faut pour produire une note quelconque
font que son utilité opérationnelle est quasi nulle.
EADS devient Airbus Group - nouveau coup de maître pour
dés-européaniser encore davantage ce qui fut pourtant censé être l'un des
fleurons de notre industrie stratégique. Inutile de préciser que la vidéo
instructive de la part de son président exécutif Thomas (Tom) Enders,
concernant les changements à venir pour le groupe franco-allemand est disponible en anglais uniquement. Là-dedans il explique, entre autres, que « la partie ‘euro’
dans le nom d’Europcopter n’aide pas vraiment sur le marché international ».
Apparemment c’est vrai pour l’ensemble. Autant l’en priver donc définitivement.
Comme
noté auparavant , en parlant des
fiancés EADS et BAE : « les deux se présentent comme des leaders
"mondiaux" ou "globaux" dans leurs domaines respectifs, et
se méfient comme du feu de l’adjectif européen, jugé trop risqué du point de
vue de leur projet prioritaire qui est la pénétration-conquête du gigantesque
marché de défense des Etats-Unis. Or il n’y a pas deux façons de le faire. On
n’y est vraiment admis qu’après avoir levé le soupçon même d’une quelconque
interférence étrangère (et encore ; il arrive que le seul souvenir d’une
origine autre qu’US suffise pour se retrouver sur la touche), et ayant accepté
des règles du jeu garantissant une soumission totale aux intérêts américains.
Ou mieux : en devenant, en Europe par exemple, la courroie de transmission de
ces mêmes intérêts. »
Un nouveau rapport du Congressional Research Service américain
a choisi comme sujet le Parlement européen (PE). En expliquant que les nouveaux
pouvoirs que lui confère le traité de Lisbonne ne sont pas sans conséquences
pour la partie US. A titre d’exemple, y sont cités l’accord SWIFT (donnant aux
autorités américaines l’accès aux données financières européennes) et celui
relatif aux données des dossiers passagers (Passanger
Name Record, PNR), les deux ayant déjà dû être renégociés afin d’obtenir l’aval
du PE. Surtout, le rapport fait état d’une inquiétude croissante quant à une
éventuelle montée de la résistance du Parlement européen dans ces domaines,
suite aux révélations sur les programmes de surveillance américains. Or l’accord
SWIFT doit être renouvelé en 2015, l’accord PNR en 2019. Sans parler du fait
que « l’approbation du PE va être nécessaire pour qu’un futur accord UE-US
sur le Partenariat
transatlantique sur le commerce et l’investissement puisse entrer en
vigueur ». Dans ce contexte, la question hypothétique (« au cas où
les révélations sont confirmées ») du président du PE, l'allemand Martin Schulz, à l’adresse de nos amis américains « Pourquoi vous traitez un allié comme un ennemi ? »
est à prendre au sérieux, du moins un peu. Et les travaux de la mission d’information
de la Commission des libertés civiles, établie par la Résolution
du 4 juillet, méritent d’être suivis, ne serait-ce que pour voir comment d’inévitables
vagues susceptibles de compliquer les relations UE-US finissent miraculeusement
par être adoucies.
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