Les mesures
concrètes proposées dans le rapport Ashton afin d’améliorer la capacité de réaction rapide de l’UE
aux crises ne sont guère surprenantes. Par contre un seul élément, le plus
important, surprend par son absence. Il s’agit du vieux serpent de mer du
Quartier général militaire européen (pour la planification et la conduite des
opérations UE), dont la nécessité est aujourd’hui reconnue de tous, sauf le Royaume-Uni qui en fait sa ligne rouge. Le rapport n’en dit même pas un mot. Or s’il y a une mesure susceptible à la fois de réduire le temps de
réaction aux crises, d’assurer la continuité, de permettre un véritable retour d’expérience et de supprimer les doublons entre 5
structures nationales différentes ; cette mesure est bien celle-là.
Dommage de la passer sous silence.
Pour ce qui est des
autres propositions, la plupart d’entre elles soit concernent le volet civil
uniquement, soit sont déjà dans les tuyaux depuis un bon bout de temps (groupements
tactiques à structure modulaire, planification d'avance, procédures accélérées
pour la prise de décision, fonds de lancement). Rien d’étonnant, il s’agit de trouver les moyens
qui faciliteraient la génération des forces et leur déploiement. Il convient de nuancer leur portée par au
moins deux remarques (à part « l’éléphant dans la salle » qu’est le silence
radio total sur le Quartier général).
Primo, à propos du
mécanisme de financement des opérations militaires UE, le rapport se contente
de noter qu’il s’agit là d’un « sujet sensible ». C’est vrai. C’est
aussi l’un des facteurs décourageants majeurs, car 90% du financement sont
basés sur le principe de « les coûts incombent à leurs auteurs ».
Autrement dit, c’est la double peine. Ceux qui envoient leurs troupes (formées,
entraînées, équipées) sur le terrain, sont les mêmes qui prennent en charge
quasiment tous les frais. Un système plus que souhaitable à l’OTAN où la
mobilisation se fait par serment d’allégeance, mais qui a, dans l’Union
européenne, un effet paralysant.
Secundo, un seul
regard aux opérations militaires récentes de la PSDC suffit pour relativiser l’ensemble
du texte à ce sujet. Ce sont des missions de formation, d’entraînement,
de police des mers – très légitimes et utiles certes, mais il faut une certaine
propension à l’exagération et surtout une bonne dose d’amnésie pour prétendre
qu’il s’agit là d'une politique de défense européenne. Celle-ci brille surtout par
les occasions ratées : au Liban en 2006, au Libye en 2011 et plus
récemment au Mali. C’était pourtant des crises « taillées sur mesure »
pour une intervention de l’UE – avec le résultat que l'on sait.
Petit rappel :
« l’objectif global » fixé à Helsinki par les Etats membres en 1999 fut d’être
capables « d'ici l'an 2003 de déployer rapidement puis de
soutenir des forces capables de mener à bien l'ensemble des missions de
Petersberg*, y compris les plus exigeantes d'entre elles, dans des opérations
pouvant aller jusqu'au niveau d'un corps d'armée (jusqu'à 15 brigades, soit 50
000 à 60 000 hommes). Ces forces devraient être militairement autosuffisantes
et dotées des capacités nécessaires de commandement, de contrôle et de
renseignement, de la logistique et d'autres unités d'appui aux combats ainsi
que, en cas de besoin, d'éléments aériens et navals ». Dix ans après la date
butoir, on se félicite chaudement d’avoir pu envoyer quelques centaines d’hommes pour
des « missions d’entraînement ».
A suivre.
A suivre.
*Missions de Petersberg: définies d'abord par l'Union de l'Europe occidentale en 1992, ensuite reprises par le traité d'Amsterdam de l'UE en 1997, en partie pour bien distinguer ses nouvelles compétences de celle de l'Article 5 de l'OTAN. Elles couvrent « les missions
humanitaires et d'évacuation, les missions de maintien de la paix et les
missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions
de rétablissement de la paix ».
Première partie (contexte
stratégique, contraintes politiques, approche globale)
Deuxième partie
(relations UE-OTAN).
No comments:
Post a Comment