NSA/Europe
1. L'ambassade
britannique à Berlin écoute les conversations des Allemands. Ajoutons juste
deux précisions au sujet de la coopération des « Cinq yeux », au nom de laquelle le Royaume-Uni espionne, pour le
compte des Etats-Unis, ses partenaires européens. Primo, dans le système
Echelon (le réseau d’interception des communications opéré depuis des décennies
par les cinq pays anglophones UK, USA, Canada, la Nouvelle Zélande et
l’Australie), le monde entier est divisé en zones de responsabilité
géographique. Et Londres y a la charge
de surveiller l’Europe, proximité oblige.
Secundo, des
responsables US sont régulièrement invités à participer aux réunions du Joint Intelligence Committee britannique,
organe coordinateur des services de renseignement de Sa Majesté. Normal. Les
Etats-Unis financent en partie lesdits services, en même temps qu’ils fixent
une partie de leurs priorités. Par contre, les « partenaires » européens de
Londres sont tous tenus strictement à l’écart de ce saint des saints du partage
des informations entre initiés. Normal aussi. Ils en sont en partie les cibles.
(à partir de :
L'ambassade britannique à Berlin écoute les conversations des Allemands, Le
Figaro, 5 novembre 2013)
2. EU
should create own spy agency, Reding says. Selon la commissaire européenne à la justice, d’ici 2020
l’UE devrait mettre en place « sa propre
agence d’espionnage », car « la NSA a
besoin d’un contrepoids ». Contrepoids
? A Bruxelles? Peut-être faudrait-il d’abord s’assurer que la Commission
européenne ne confère plus à la NSA américaine la tâche de « vérifier » la
sécurisation de ses réseaux informatiques cryptés…
Pour rappel : le journaliste Jean Quatremer sonna l’alarme dès 2001 (dans une série d’articles remarquables), en pointant du doigt les propos du responsable du cryptage à la Commission de Bruxelles, prononcés à une audition au Parlement européen. Notamment la fameuse phrase : « J'ai toujours eu de très bons contacts avec la NSA à Washington. Elle vérifie régulièrement nos systèmes (de cryptage) pour voir s'ils sont bien verrouillés et s'ils sont correctement utilisés. »
Et la NSA l’a fait, sans aucun doute, dans un esprit tout à fait amical… Surtout qu’il s’agit, pour les Etats-Unis, des communications confidentielles d’une organisation qui est, sur de nombreux dossiers, leur plus formidable rival commercial.
(à partir de: EU should create own spy
agency, Reding says, EUObserver, 4 novembre 2013)
3. America’s
NSA Megalomania. L’excellent historien-journaliste américain William Pfaff
préconise des mesures radicales pour que
« l’Europe déclare son indépendance » par rapport aux Etats-Unis. Pour lui,
le problème à l’origine de la crise autour de la NSA est « la domination –
active, ou implicite/potentielle – de l’Amérique sur les affaires de l’Europe
occidentale ».
Il rend hommage au général de Gaulle au passage, qui «
avait anticipé avec une intuition politique profonde la crise d’aujourd’hui
pour ce qui est du droit de l’Europe à une souveraineté totale ». D’après M.
Pfaff, Paris est resté fidèle à l’Alliance, mais a décidé d’agir selon ses
propres intérêts et ses propres standards éthiques et politiques. Du moins
jusqu’à Nicolas Sarkozy.
L’article
s’interroge sur la pertinence de la présence US sur notre continent et appelle
à des décisions radicales. Au
retrait des militaires US d’Europe, à la fermeture ou le transfert sous stricte
supervision/régulation européenne des établissements et des sociétés de
télécommunication US sur notre continent, et à l'expulsion des stations de
surveillance clandestines. Le tout dans le cadre d’une « déclaration d’indépendance ».
M. Pfaff a mille
fois raison de dire que l’Europe a besoin d'une sorte de thérapie de choc. Il a
aussi raison de remarquer que ce serait également un service rendu aux
Etats-Unis, « une nation en crise
profonde ». Faudrait juste
trouver des dirigeants européens prêts à assumer un rôle autre que celui des
vassaux qui se bousculent pour savoir lequel est le plus servile d’entre eux.
Ou en trouver au moins un. Ce serait déjà un bon début.
(à partir de: William Pfaff, America’s NSA
Megalomania, Internatinal Herald Tribune, 30 octobre 2013)
Secteur
de l’armement
1. BAE
Shipbuilding Fiasco Has Lessons. Excellent
argumentaire en faveur de la (re)nationalisation
de la construction navale en Europe. Prenant l’exemple de l’échec patent du
modèle britannique dans le domaine, Giovanni de Briganti (l’éditeur de defense-aerospace.com) note « qu’il a finalement été admis que le focus
des sociétés privées en premier sur la rentabilité ne peut pas être réconcilié
avec l’exigence souveraine d’un gouvernement » soucieux de faire construire
ses navires (et autres quincailleries de la sorte) sur des sites nationaux.
En s’appuyant sur les propos amers du ministre britannique à la Défense, l’analyse de Briganti démonte l’illusion des gouvernements de l’Europe occidentale sur les prétendus avantages et de la privatisation. Manifestement, même le ministre Hammond s’est rendu à l’évidence que les industries navales britanniques ne survivront pas grâce à leur recherche de compétitivité accrue sur les marchés internationaux, mais grâce à des commandes passées par la Royal Navy au nom de l’exigence de souveraineté.*
La conclusion s’impose. D’après de Briganti, « c’est un domaine où les gouvernements devrait jouer leur rôle souverain, en nationalisant les capacités de base en matière de construction navale ». Ce qui permettrait d’une part d’assurer le maintien des chantiers même en période de vaches maigres, de l’autre d’éviter les marges excessives et les contrats biaisés au détriment du citoyen/contribuable et en faveur des compagnies privées.
L’exemple cité par De Briganti, celui des prochains navires ravitailleurs de la Royal Navy achetés à la Corée du Sud, est en effet un cas d’école. Comme noté auparavant, le sujet avait été évoqué lors d’une audition du Parlement UK sur le système d’acquisition des équipements l’an dernier. Où le ministre chargé du dossier s’est retrouvé pris dans le piège de ses propres contradictions.
En faisant des
tirades éloquentes sur « la liberté
d’action pour préserver notre flotte » qu’il « considère de la plus haute importance », le ministre ne se gêne
pas pour défendre, du même souffle, le choix du recours à la compétition
internationale pour l’achat des navires
ravitailleurs MARS. En croyant pouvoir se justifier « parce que c’est une capacité - la construction de navires
ravitailleurs - dont le Royaume-Uni, à nos grands regrets, ne dispose plus ».
Comme celle des sous-marins à propulsion
classique, par ailleurs.
*“We hear a great deal about how shipbuilding will be sustained through the commercial market and the third-nation market, including the market for warships, but I am afraid I have seen no evidence to suggest that we are able to compete in what is a very aggressive global market for commercial shipping. I think that the shipbuilding industry in this country will be primarily dependent on Royal Navy orders placed in the United Kingdom, because of the sovereign requirement for us to have warship building capability.” Déclaration du ministre Hammond au Parlement britannique le 6 novembre 2013.
(à partir de: Giovanni
de Briganti, BAE Shipbuilding Fiasco Has Lessons, defense-aerospace.com, 7
novembre 2013)
2. Boeing’s
Muilenburg On Defense, Space Challenges. Quelques points à relever dans les propos du patron de
l’unité « Défense, Espace et sécurité » de Boeing. Premièrement, précisions
chiffrées sur l’activisme accru sur les marchés de l’export. De 7% il y a 5
ans, la part des acheteurs étrangers dans le volet « défense » de l’entreprise
est passée à 28-29% aujourd’hui (pour monter jusqu’à environ un tiers dans les
5 à 10 ans à venir).
Pour rappel, sous l’effet de la baisse du budget militaire US, cela signifie une agressivité accrue (l’exact opposé du fameux pivot/désengagement) en Europe. Tantôt pour s’assurer des marchés captifs sur le continent même, tantôt pour mettre des bâtons dans les roues des éventuels compétiteurs européens sur les marchés internationaux.
Deuxièmement, quelques précisions, toujours chiffrées, sur notre F-35 Joint Strike Fighter (JSF) préféré. Pour le CEO de Boeing, celui-ci serait de 50% plus lent à l’accélération et à la vitesse maximale, transporterait 60% moins de charge utile, et aurait un rayon de combat réduit de 70% par rapport au F-15SE Silent Eagle proposé par son entreprise.
Surtout, les dates de livraison et les coûts (d’achat et de maintien en condition opérationnelle) sont connus pour le F-15 – ce qui est loin d’être le cas du Joint Strike Fighter. A part le fait que son soutien nécessitera au moins deux fois les dépenses qu’exige celui du Silent Eagle. Une véritable aubaine, ce JSF.
(à partir de: Joseph
C. Anselmo, Boeing’s Muilenburg On Defense, Space Challenges (entretien), Aviation
Week & Space Technology, 4 novembre 2013)
Négociations TTIP
Libre-échange:
reprise des discussions UE-USA le 11 novembre. Les négociations sur
l’accord de partenariat transatlantique (TTIP) ne tarderont pas de reprendre.
Démonstration par l’absurde des priorités
réelles des dirigeants européens. Humiliés comme on est rarement (à la
suite de la révélation par Washington de leur collaboration avec la NSA),
placés en face de la réalité d’une surveillance US hors contrôle, sur leurs
citoyens/leurs entreprises/leurs propres communications personnelles, ils
continuent à faire comme si de rien n’était.
Le tout pour un
accord qui, selon les estimations les plus optimistes (celles de la
représentation commerciale US à Bruxelles) donnerait, peut-être, une impulsion
de 0,4% du PIB à la croissance
européenne. Mais son mérite n’est pas là car, de l’aveu officiel américain, « nous ne focalisons pas sur les chiffres
concrets ».
Pour bien prendre
la mesure de l’importance de ces négociations commerciales aux yeux des
responsables euro-atlantistes, il faut se tourner vers l’OTAN où le secrétaire général Rasmussen s’extasie* devant ce
qu’il espère devenir le fondement d’une «
communauté transatlantique véritablement intégrée ».
Il va même jusqu’à
évoquer l’article 2 du traité de Washington de l’Alliance pour démontrer à quel
point il serait logique d’établir cette nouvelle « OTAN économique » à côté de l’OTAN proprement dite. Elle pourrait
alors devenir, selon Rasmussen, un brillant exemple pour la coopération
économique, tout comme l’Alliance l’est de son côté pour la coopération en
matière de sécurité…
Alors là, c’est la
comparaison de trop. Car mêmes les avocats les plus zélés du TTIP espèrent
quelque chose de plus qu’un « partenariat » aussi déséquilibré que celui qui
prévaut au sein de l’Alliance atlantique. N’empêche qu’à force de persévérer,
ils ne feront que d’étendre et d’aggraver ce même déséquilibre.
*Discours du
Secrétaire général Anders Fogh Rasmussen sur « Une nouvelle ère pour le
commerce UE-US » à la Confederation of Danish Industry, Copenhague, 7 octobre
2013
(à partir de :
Libre-échange: reprise des discussions UE-USA le 11 novembre, AFP, 4 novembre
2013)
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