Relations transatlantiques
L’Europe perd confiance en Obama; d’après un article dans Wall Street Journal, signé par l’ancien rédacteur en
chef d’International Herald Tribune. Plein de citations et de détails
croustillants, l’article n’en est pas moins « truqué » subtilement. Sans doute
le prix à payer pour rester dans le politiquement correct, tout en critiquant
notre grand allié américain. N'empêche.
Il faut au moins souffrir d’amnésie pour
parler de « nouveauté » en observant que les doutes
des Européens se focalisent sur la personne du Président. Car loin
d’être une nouveauté, c’est une figure répétitive. Se refusant à admettre
qu’ils ont droit au même traitement sous tous les présidents US (p.ex. le
manque de consultation et l'information après coup, ou mieux, par voie de
dépêches d'agence de presse), les dirigeants européens cherchent maintenant à
voir en la personne de M. Obama la source de tous leurs
griefs. Comme ils l’ont fait pour M. Bush hier (dont le comportement aurait été
soi-disant « un-American »).
(à partir de: John Vinocur, Europe Loses
Trust in Obama, Wall Street Journal, 11 novembre 2013)
Partenariat oriental de l’UE –
« encouragements » US
Auditions à la Commission des affaires étrangères du Sénat
américain au sujet du Partenariat oriental de… l’Union
européenne. A la veille du sommet entre l’UE et ses partenaires de l’Europe de
l’Est/ Caucase du Sud, l’Amérique redouble d’efforts pour soutenir le rapprochement
des ex-Républiques soviétiques aux structures de l’UE (par le biais d’accords
d’association et d’accords de libre-échange pour commencer).
Victoria Nuland, Secrétaire d’Etat adjoint
pour les affaires européennes/eurasiatiques, explique à la Commission US que
l’administration multiplie ces derniers temps les occasions de faire savoir aux
membres de l’UE à quel point l’Amérique est en faveur du
processus (réunions bilatérales du Vice-Président avec les dirigeants
européens, discours du Secrétaire d’Etat Kerry focalisé sur ce sujet lors du
dîner transatlantique annuel, après avoir déjà rappelé à ses homologues de l’UE
l’importance stratégique que les USA y attache à leur réunion à Vilnius en août
dernier etc.).
De manière plutôt habile, les responsables de
l’administration Obama ont réussi jusqu’ici à éviter de s’immiscer trop
ouvertement dans ce qui est en principe une politique de l’UE (où, toujours en
principe, l’Amérique n’a pas voix au chapitre). Cet activisme n’en
révèle pas moins les pressions US qui s’exercent en coulisses. Au fond, les
Etats-Unis considèrent toujours, comme l’a dit l’ancien ambassadeur US à
Bruxelles, que l’UE et l’OTAN sont «nos deux grandes institutions
transatlantiques».
La prudence d’aujourd’hui remonte en effet à
une bourde de l’inimitable George W. Bush. Et à la réplique
cinglante par laquelle le président Chirac a remis son homologue US à sa place
tout de suite. Pour rappel : à propos de l’adhésion de la Turquie à l’UE, M.
Bush s’est permis de déclarer devant une audience turque que « vous
devriez obtenir une date de l’UE pour votre entrée dans l’Union européenne ».
C’était la goutte de trop. La réponse du Président français ne
s’est pas fait attendre.
Pour le président Chirac, Bush « est
non seulement allé trop loin, mais il est allé sur un terrain qui n'est pas le
sien ». Et à M. Chirac de poursuivre, lors d’une conférence de presse en
marge du sommet de l’OTAN qui plus est : « Il n'avait aucune vocation à
donner une obligation ou une voie quelconque à l'Union européenne. C'est comme
si j'expliquais aux Etats-Unis la façon dont ils doivent gérer leurs relations
avec le Mexique ».
Une comparaison à garder en tête, pour nos
dirigeants européens, quand ils sont confrontés aux injonctions (ou «vifs
encouragements») américaines. Même si dans les coulisses ça peut leur paraître
moins indigeste.
(à partir de: U.S. Senate Committee on Foreign Relations
Subcommittee on European Affairs, Hearings on A Pivotal Moment for the Eastern
partnership: Outlook for Ukraine, Moldova, Georgia, Belarus, Armenia and
Azerbaijan, 14 novembre 2013)
Armement
1. L’investissement dans les technologies critiques plus
important que jamais. Quelques observations pertinentes à souligner
dans le dernier numéro de European Defence Matters, le magazine de
l’Agence européenne de défense. Difficile de les repérer dans le déluge de
lieux communs (sur la nécessité de la coopération, sur les bienfaits escomptés
du Pooling&Sharing etc.), dans le flot d’éloges à propos des deux rapports
récents de la Commission et de Mme Ashton (par ailleurs fort insidieux tous les
deux), et au milieu de l'énumération d'une multitude d’initiatives sympathiques
mais accessoires. Les quelques remarques lucides sont donc d’autant plus
précieuses qu'elles se font de plus en plus rares.
Christian Bréant, directeur de l’Agence pour
la Recherche&Technologie, y tient des propos intéressants sur l’importance
des technologies critiques. S’il prend une approche pragmatique (politique
de démonstrateurs, focus sur les projets concrets, exploration de l’usage dual
civilo-militaire), il ne le fait pas (contrairement à la majorité des
responsables ces jours-ci) pour occulter les problématiques plus larges.
En prenant l’exemple de la filière nitrure de
gallium (GaN), véritable technologie de rupture avec des
implications colossales pour les capacités radar et la guerre électronique, M.
Bréant tient à noter que : « Ni les Etats-Unis ni l’Asie ne donneront à
l’Europe l’accès à des niveaux de compétences technologiques
dont l’Europe a besoin dans ce domaine ». Idem pour d’autres technologies
critiques, dont la maîtrise totale est pourtant indispensable pour
rester performant/indépendant dans le domaine de l’innovation et de
l’intégration des équipements de défense.
(Critical technology investment now more important than ever
in European Defence Matters, Issue 04, 2013, pp11-12)
2. L'entretien avec Claude-France Arnould,
directrice de l’Agence européenne de défense est informatif à plusieurs titres.
D’abord Mme Arnould y confirme quelques chiffres. Les dépenses de
défense des pays européens ont baissé de quelque 10 milliards d’euros (soit une
diminution nette de 5%) durant les trois dernières années. Les lacunes
capacitaires les plus criantes concernent le ravitaillement en vol, les drones,
la cybersécurité et la communication par satellites.
De façon significative, la directrice de
l'AED souligne qu'avec son chiffre d’affaires annuel de 170 milliards d’euros
et les 750 000 emplois directs et indirects qui en dépendent, la base
industrielle européenne de défense est « une composante vitale
de notre autonomie stratégique ». Il est réjouissant de l’entendre
dire.
De même que de la voir insister sur la
nécessité de nouveaux programmes dont cette « industrie a maintenant
besoin pour survivre ». En fait, les propos de Mme Arnould s’inscrivent
dans la droite ligne d’une évolution dans la stratégie de communication, à
l’œuvre depuis des mois. Il s’agit de justifier les initiatives capacitaires
autant, sinon plus, par les besoins de l’industrie que par
ceux de nos forces armées. Cette tournure s’explique par deux choses.
D’une part, le « rôle de pourvoyeurs
de sécurité » à l’extérieur que l’on se plaît à attribuer à nos armées
a beaucoup perdu de son attractivité ces temps-ci, sous le double coup de
l’austérité et de l’Afghanistan/Libye. De l’autre, l’aspect industriel/emploi
de la défense fut jusqu’ici entièrement négligé dans la rhétorique sur la PSDC
(politique de sécurité et de défense de l’UE), alors qu’il aurait dû faire
l’objet d’un effort de pédagogie permanent. D’autant plus qu’en réalité, cet
aspect a été absolument crucial dans son lancement.
Même si l’on veut bien croire qu’il n’est
jamais trop tard pour bien faire, le problème c’est comment s’y prendre.
Surtout que les Etats membres sont profondément divisés sur le
sujet. A trop vouloir insister sur les synergies avec la Commission européenne
d’un côté et avec l’OTAN de l’autre, à trop insister sur l’ouverture
intra-européenne et les fusions en tout genre, on risque d’y perdre l’impératif
d’autonomie stratégique, justement.
Sans aller dans ces « détails », où réside
pourtant le proverbial diable, les propos de Mme Arnould esquissent les pistes
pratiques déjà identifiées pour les mois/années qui suivent. L’Agence
sera réorganisée pour se focaliser sur trois domaines : 1. Capacités
et programmes ; 2. Innovation et synergies avec les politiques de l’UE ; 3.
Soutien à la défense (avec, au centre, la planification des priorités et la
gestion durant toute la durée de service des équipements).
Les domaines clés pour les coopérations
futures devront être le ravitaillement en vol, la communication
par satellites (les cinq pays ayant des capacités devront tous les
remplacer quelque part entre 2018-2025), les drones (où après
avoir « manqué le développement des appareils de la première génération
», les pays acheteurs de Reapers américains tentent maintenant de «
s’organiser en une communauté d’utilisateurs comme solution à court terme ».
Pour ce qui est de ne pas rater le prochain rendez-vous, Mme Arnould dit y
travailler « à la fois du point de vue des technologies et de
l’harmonisation des besoins militaires ». Amen.
D’autres priorités futures sont l’énergie (consommation
énergétique des armées, normes « vertes » etc.) et la cybersécurité,
où la question de la coopération est particulièrement délicate du fait de la
mentalité de renseignement qui y prévaut selon Mme Arnould. Tiens, tiens,
pourquoi donc ? On se le demande, surtout après l’affaire NSA/GCHQ/Snowden.
Finalement, en parlant de l’importance
critique de la recherche&technologie, la directrice de l’Agence
base son argumentaire (pas faux d’ailleurs) sur la nécessité de préserver une
bonne dose d’avance en permanence afin de garantir la pérennité des
exportations. A Mme Arnould d’y ajouter, comme accessoirement, la phrase
suivante : « Et nous devons garder à l’esprit l’importance de l’indépendance
technologique et d’autres considérations telle la sécurité de
l’approvisionnement ». Par les temps qui courent, on dirait
presqu’un « dérapage », malheureusement.
(à partir de: « Cooperation has become a
necessity, not a luxury », entretien avec Claude-France Arnould,
directrice de l’AED dans European Defence Matters, Issue 04, 2013, pp17-18)
A vendre : citoyenneté européenne
Malta free to sell EU citizenship, commission says. La
Commission s’avoue impuissante face à la commercialisation de
la citoyenneté de l'UE par certains Etats membres cupides et/ou en mal
d’argent. Un procédé de vente de la nationalité que l’on pratique déjà
ailleurs, dans quelques micro-Etats. Sauf que ceux-ci ne peuvent pas se
prévaloir de donner, en même temps que leur passeport national, la clé
du sésame européen. Et c’est justement là, tout le problème.
Le commentaire tronqué de la Commission est
un cas d'école de la manipulation subtile. Il met en avant le fait que «
les Etats membres disposent de toute leur souveraineté pour
décider à qui et comment ils octroient la nationalité de leur pays ».
Certes. C’est la moindre des choses. Mais ce n’est pas non plus la raison pour
laquelle les acheteurs d’un passeport maltais pourront désormais travailler, si
jamais l’envie leur venait, dans la fonction publique ou se présenter aux
élections municipales en France.
Pour rappel : la citoyenneté
européenne découle mécaniquement de la nationalité dans l’un des Etats
membres. Elle implique, entre autres, la liberté de circulation et de résidence
sur tout le territoire de l’Union ; la protection diplomatique et consulaire à
l’étranger par n’importe quel État membre de l’UE ; le droit de demander du
travail (y compris dans la fonction publique de son pays de résidence à l'exception
de postes ultra sensibles); ainsi que le droit de vote et le droit de se
présenter aux élections municipales et européennes dans l’Etat de résidence.
Dans le système actuel, voici donc le paquet
que chacun des pays membres de l’UE peut décider, pour lui-même mais aussi (et
surtout) à la place des autres, de mettre en vente… Car, répétons-le, l’Etat de
résidence peut être choisi librement du moment où l’on aura obtenu (acheté) la
nationalité dans l’un des Etats membres.
(à partir de : Malta free to sell EU citizenship, commission
says, EU Observer, 14 novembre 2013)
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