En Allemagne, le
ministre sortant de la défense se
lâche… D’après Thomas de Maizière, Berlin n’a pas de leçon à recevoir de
quiconque, même pas de Paris ou de Londres, concernant la nature et le volume de ses
déploiements militaires hors de ses frontières. Et, pour appuyer ses propos, il n'hésite pas à envoyer quelques piques à l’adresse de ses partenaires.
Avec la France dans
sa ligne de mire, le ministre fait remarquer l’ampleur de l’engagement allemand
en Afghanistan, bien plus important que celui de n’importe quel autre pays européen, hormis la Grande-Bretagne. Certes. Sauf qu’il oublie de préciser deux choses au
passage.
Primo, les
restrictions excessives imposées par Berlin sur l’emploi de la force par ses
troupes les rapprochent plus des forces de police que des forces de combat. (Ce
qui n’est pas si bête dans le contexte spécifique d’une guerre commandée de
bout en bout par les US, mais pour l’Allemagne il s’agit d’une attitude plus
générale. Qu’elle tente en plus d’imposer à l’échelon européen sous prétexte d’approche
globale).
Secundo, si l’Allemagne
a envoyé (et maintenu) tant de soldats en Afghanistan, c’est pour faire un geste d’allégeance
à l’Amérique. Et se racheter ainsi après sa non-participation en Irak motivée, à l'époque, par des
raisons en grande partie électorales. S’enorgueillir de l'un ou de l'autre serait tout de même pousser
le bouchon un peu trop loin.
A l’adresse du
Royaume-Uni, le ministre allemand se plaît à noter qu’en Allemagne les
gouvernements ont toujours réussi à obtenir l’aval du Bundestag pour une
opération extérieure. Contrairement à l’échec retentissant de M. Cameron au
Parlement britannique sur une éventuelle intervention en Syrie, bien entendu. Encore
une fois, sur la Syrie non plus, M. Maizière ne devrait pas trop insister. Car la position allemande y ressemblait étrangement à un double jeu.
Si Berlin avait
exclu d’avance une participation à des
opérations en Syrie (évoquant un manque de capacités disponibles, histoire de
ne pas trop offusquer les Etats-Unis), cela n’a pas empêché Mme Merkel d’y
contribuer par d’autres moyens, en catimini. A la réunion des ministres des
Affaires étrangères de l’UE à Vilnius, Berlin s’est joint à la France, le UK,
et l’Amérique pour faire du lobbying auprès des pays réticents à l’idée d’une
intervention armée. Il a aussi soigneusement choisi son moment pour publier des
documents de renseignement en appui des arguments des va-t-en-guerre occidentaux
contre le régime d’el-Assad.
Bref, le ministre
allemand aurait vraiment mieux fait de tourner sept fois sa langue dans sa
bouche avant de se lancer dans de telles polémiques. En effet, la politique qu’il
avait menée à son poste correspond exactement à la description cinglante, faite
par Hubert Védrine, de la vision allemande en matière de défense. A la fois pour ce qui est de son penchant pour la civilianisation et de son attachement atlantiste.
A l'occasion d'une audition à l'Assemblée nationale, M. Védrine
constate que « les Allemands sont
inhibés par tout ce qui est militaire (…) ils n’acceptent donc que de
faire du civilo-militaire, avec le moins de militaire possible et beaucoup de
civil ». D’autant plus que, «
il n’y a pas d’armée allemande, il n’y a qu’une sorte de département allemand
de l’armée occidentale, et c’est pourquoi le système militaire allemand n‘a
jamais été favorable aux idées françaises sur la défense européenne. L’Allemagne
est à 99 % intégrée dans le système OTAN et ne dispose d’aucune marge ». Ce qui est tout à fait son droit. Mais, de grâce, qu’elle ne vienne
pas jouer les sensibles et donner, à son tour, des leçons à tout va.
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