Le Secrétaire
général de l’Alliance atlantique a du mal à cacher
son soulagement. Enfin, à la dernière minute, voici tombée du ciel la
raison d’être tant recherchée pour l’OTAN post-Afghanistan. Face à l’ogre
russe, vite, il faut se ranger en ordre de bataille. Peu importe si ça fait un
peu réchauffé. L’essentiel, c’est que la crise en Ukraine devrait nous aider à
en finir, une fois pour toutes, avec les hésitations et les états d’âme qui
menaçaient, ces derniers temps, de remettre sérieusement en question l’avenir
de « l’Alliance la plus réussie de l’Histoire ».
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On va fêter ça! (Le Secrétaire général de l'OTAN avec un de ses prédécesseurs au Brussels Forum, le 21 mars 2014) |
M. Rasmussen s’est donc
empressé d'expliquer aux Américains « pouquoi cette crise montre clairement que l’OTAN est plus importante
pour l’Amérique que jamais ». Ça tombe à pic. Puisque nos amis d’outre-Atlantique
se disaient de plus en plus mécontents de notre piètre performance en matière
de défense, et ne se gênaient pas de brandir la menace (tantôt ouverte, tantôt
sous-entendue) d’un désengagement.
De retour à Bruxelles,
le même Rasmussen s’emploie à « expliquer
pourquoi la crise montre également que le lien transatlantique et l'OTAN sont
plus importants pour l'Europe que jamais ». Au diable donc avec nos
sensibleries européennes autour de l’affaire Snowden/NSA.
Entre frères d’armes transatlantiques, unis face à la menace commune, qu’importe, après tout, l’espionnage de masse ou tel ou tel portable sur écoute ici ou là ?
Bien entendu, il
faut que la menace soit suffisamment terrifiante pour faire passer cela. Et elle
l’est, à en croire M. Rasmussen avide de tirer la sonnette d'alarme. Ce n’est pas assez qu’il s’agit « de
la crise la plus sérieuse en Europe depuis la chute du mur de Berlin ».
(Nota bene : le Secrétaire général semble avoir oublié, entre autres, l’épisode de l’aéroport
de Pristina au Kosovo, lorsque le commandant britannique s’opposant aux
ordres US d'attaquer les forces russes déjà présentes riposta au général américain
en disant « Monsieur, je ne
déclenche pas la Troisième Guerre mondiale pour vous ».)
M. Rasmussen tient
aussi à préciser que ce que fait la Russie en Ukraine « n’est pas un incident isolé », mais témoigne d’un « mode de comportement » plus
général de la part de Moscou. Puis, il fait le constat selon lequel, face à l’OTAN,
« aujourd’hui la Russie parle et se
comporte plus comme un adversaire que comme un partenaire ». Et pour
finir en beauté, il en appelle à la solidarité transatlantique en déclarant d’un air solennel que « certains font cliqueter leurs armes à
nos frontières ».
Il nous faudra
donc, à nous les
Occidentaux, une sorte d’union sacrée. Ce qui passe d'abord par la
réaffirmation de notre foi en l’Article 5 du traité de Washington (instaurant,
et perpétuant, la fiction d’un parapluie américain protégeant l’Europe). Mais
aussi, d’après le Secrétaire général de l’OTAN, par la signature de l’accord de
libre-échange TTIP ou encore la diversification de l’approvisionnement
énergétique de l’Europe. Heureusement que l’OTAN est là pour surveiller,
oh pardon : pour veiller sur, nous.
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