Russie-Ukraine
/ éventuelles sanctions aérospatial-défense
1. Washington
ne semble pas pressé d'annuler ses quelques contrats aérospatial-défense avec
la Russie. « Washington n’a plus que quelques accords majeurs de
gouvernement à gouvernement avec la Russie en matière d’aérospatial et de
défense, mais il semble de plus en plus que ce qui reste encore ne sera pas
sacrifié juste pour protester contre la prise de contrôle de la Crimée par
Moscou. »
Visiblement, le
Pentagone n’est pas pressé d’annuler les contrats en vigueur sur les hélicoptères
Mi-17 russes destinés aux forces afghanes. Ni la NASA trop
enthousiaste pour renoncer à sa seule possibilité d’acheminer des astronautes
américains, à bord des Soyouz russes, vers la Station spatiale internationale.
(Michael Bruno, Barking at Russia, Aviation
Week&Technology Blog Ares, 21 mars 2014)
A ce propos: La NASA a utilisé pour
la première fois un avion russe SSJ-100 (un astronaute US partira
justement le 26 mars prochain du cosmodrome de Baïkonour, où sont arrivés
aujourd'hui les experts de la NASA à bord d'un Sukhoi Superjet-10. (RIA
Novosti, 24 mars 2014)
2. Annulation
possible de la vente des Mistral à la Russie ? Après la
réintégration dans l'OTAN, l'achat de Reapers américains et la performance sur
la Syrie, ce serait mettre le point sur le « i ».C'est vrai aussi que les « hauts
responsables » US savent se montrer très persuasifs...
Pour mémoire: dès
2010 le chef du Pentagone a essayé de faire pression sur son
homologue français en lui disant que « Cet accord /franco-russe
sur la vente des Mistral/ enverra un mauvais message à la Russie et à nos
alliés en Europe centrale et orientale ».
(Russie : la
France « pourra envisager » d’annuler la vente de Mistral, selon
Fabius, AFP, 17 mars 2014)
Accord
de libre-échange transatlantique (TTIP)
La
crise en Ukraine dope les pourparlers commerciaux USA-UE. Selon le
représentant américain au commerce, « Les développements récents [i.e.
la crise en Ukraine, pour ceux à qui ça aurait échappé] soulignent l'importance
de la relation transatlantique. Aussi bien du point de vue stratégique
qu'économique, le raisonnement en faveur du TTIP [le partenariat UE-USA de
libre-échange en cours de négociation] ne pourrait jamais être plus fort ».
Heureusement que M.
Froman confirme le caractère éminemment stratégique de ce futur accord que l’on
s’efforce de nous vendre sous le seul angle économique (à travers les mirobolants
gains à en attendre en matière d’emploi et de croissance notamment).
Pour mémoire :
Petit retour
sur le TTIP et sur l’un de ses plus fervents promoteurs – le Secrétaire
général de l’Alliance atlantique.
Quand une ministre
française se distancie de la « visée géopolitique » du TTIP
Quand même un Leon
Brittan se montre plutôt sceptique par rapport au TTIP
(La crise en
Ukraine dope les pourparlers commerciaux USA-UE, Reuters, 22 mars 2014)
Industrie
d’armement
1. Le
PDG de Dassault ironise sur les achats de Joint Strike Fighter. En
trois minutes dix secondes*, les voilà bien résumés les tenants et les
aboutissants de l’achat de JSF/F-35 américains par des gouvernements de notre
vieux continent. A une question sur l’impact des ennuis du F-35 sur la vente du
Rafale, le PDG de Dassault Aviation répond par un argumentaire d’une ironie
magistrale.
En commençant par
dire que « Malheureusement, je crois que peu de pays vont annuler le
JSF. Non pas parce que c’est un bon avion ; ça on verra quand il sera
opérationnel, ce qui n’est pas le cas encore, malgré le temps de développement
». Touché.
Et M. Trappier de
poursuivre. « Je ne crois pas que certains pays l’abandonneront parce
que son prix a augmenté (son prix a augmenté, fortement, mais ils continueront
à acheter) ». Touché aussi. Ensuite, pour mieux illustrer le
raisonnement extravagant des pays acheteurs, le PDG de Dassault cite l’exemple
des Pays-Bas où les deux avions étaient notés à quasi égalité lors de la
compétition en 2002.
Pour rappel :
l'écart entre les deux propositions était infime (6,97 points pour le JSF
contre 6,95 points pour le Rafale). Or « pour le prix des 65
JSF de l’époque les Pays-Bas ne peuvent plus se payer que 37 avions – nous ça
serait toujours 65 Rafale. Mais les Pays-Bas ont confirmé qu’ils achèteraient
37 F-35. Voilà. »
L’explication est
irrationnelle, mais simple. Il s’agit d’une « une vraie volonté
d’acheter américain quels que soient les prix, quel que soit le besoin
opérationnel ». Cet aspect « politique » explique aussi les choix carrément
absurdes des Italiens et des Britanniques, prêts à ajouter à leurs
Eurofighters/Typhoons des F-35 des Etats-Unis. Le constat du PDG de Dassault
Aviation ? « On voit bien qu’il faut deux types d’avion »…
Dernière petite
remarque venue du président Trappier : les Américains ont « la force de
mettre dans leurs contrats » la petite ligne sur le prix qui s’ajuste
en fonction de toutes les variables possibles et imaginables. « On est
bien moins bons commerçants, c’est bien connu, en France », ajoute-t-il
d’un ton moqueur. Eh oui, les joies du « level playing field » à l’américaine,
en matière d’armement.
*A partir de 2:03
sur l’enregistrement.
(Dassault Aviation,
Résultats annuels 2013 - Questions/Réponses, mis en ligne le 13 mars 2014)
2. La
stratégie du président d’Airbus Group récompensée par un prix. Tom
Enders comme stratège ? Certes. Reste à bien voir avec quel objectif à terme…
Comme noté auparavant « Dès le départ, son intention d'évincer les
Etats européens d'EADS et son désir de le transformer en une compagnie de facto
américaine formaient un tout inséparable. » Ensuite, on peut y adhérer
ou pas. A en juger par le prix qui vient de lui être décerné, cette « stratégie
» ne déplaît pas autant que ça.
Voir aussi :
(La stratégie de
Tom Enders, président d’Airbus Group, récompensée, www.electroniques.biz, 15 mars 2014)
Ukraine
1. Quelques points
à souligner dans une
excellente analyse sur la crise en Ukraine, de la plume de Pál Dunay,
directeur de programme au Geneva Centre for Security Policy (et ancien
directeur de l’Institut hongrois des Affaires internationales).
Premièrement,
calendrier oblige, sur le référendum en Crimée prévu pour
dimanche prochain, et ce qui s’en suivra. Pour M. Dunay, la Crimée en tant
qu’Etat indépendant « serait bien entendu un pseudo-Etat, incapable de
survivre sans le cordon ombilical de Moscou ». Les résultats du
référendum sont d’ailleurs connus d’avance, puisque « 58% de la
population est d’origine russe ».
D’après l’analyste, «
Ce sera la troisième fois en 15 ans que les relations entre la Russie et
l’Occident traverseront une phase de tension. Après le Kosovo en
1999, la Géorgie en 2008, vient la Crimée en 2014. Toutefois, personne ne va
défier directement un Etat doté de plus de 8000 armes nucléaires. Il y aura un
nouveau status quo. Le prestige de l’établissement politique russe va diminuer
encore plus en Occident. Mais la confrontation politique avec l’Occident va
augmenter la popularité du président Poutine dans son pays ». Encore
plus, pourrait-on y ajouter là aussi.
Pour ce qui est de
la situation en Ukraine même, l’expert hongrois n’a pas beaucoup
d’illusions. « Les politiques restent dans les mains des oligarches
dont le soutien leur était essentiel pour arriver au pouvoir. Que ce soit en finançant
leurs campagnes électorales ou en affaiblissant le pouvoir de leur
prédécesseur. Même si une partie du soutien lors des manifestations est venue
de l’extérieur, il y en avait aussi en provenance de forces internes et
celles-ci vont un jour présenter la facture. »
De toute façon,
fait-il remarquer, « Si on mettait derrière les barreaux tout le monde
en Ukraine qui fut corrompu, conclût des accords qui n’étaient pas dans
l’intérêt de l’Etat et abusa de son pouvoir politique à des fins d’enrichissement
personnel, le pays serait obligé de créer une toute nouvelle classe politique
en partant de rien ».
Pour conclure, M.
Dunay tourne son regard vers l’avenir. « Le vrai problème,
ce n’est pas la Crimée. C’est seulement un moment triste dans l’Histoire. [Le
problème] c’est la région du Donbass de l’Ukraine, les centres minières et
industriels de Kharkiv à Donetsk. Que fera Moscou quand ces parties-là de
l’Ukraine voudront elles aussi se joindre à lui ? Comment la Russie
empêchera-t-elle cela ? Elle devrait déjà commencer à modérer les espoirs de la
population russe dans ces foyers démographiques ».
(Pál Dunay, Ukraine: Misunderstood?,GCSP web
editorial, 6 mars 2014)
2. Mme
Clinton met un signe d’égalité entre Hitler et Poutine. La
diabolisation marche à plein. Mais pauvre Hillary quand même. En comparant les
actions de Poutine en Ukraine à celles d’Adolf Hitler avant la guerre, Mme
Clinton attire les foudres de son propre camp alors qu’elle croyait si bien
faire. Car ce n’était même pas son idée à elle… L’ancienne Secrétaire d’Etat US
n’a fait que reprendre la
comparaison faite la veille par Zbigniew Brzezinski, le « grand sage » de
la politique étrangère américaine.
(Hillary Clinton says Putin’s actions are
like ‘what Hitler did back in the ’30s’, Washington Post, 5 mars 2014)
3. Barack
Obama exclut une intervention militaire en Ukraine. Ça a le mérite d’être
clair. Malgré la rhétorique antagonisante envers la Russie et après les
innombrables moulins à vent destinés à rassurer les petits belliqueux de
l’Europe de l’Est (comme l’envoi de deux ou trois F-16 US supplémentaires ici
ou là, toujours présentés comme le signe de la vigueur de l’OTAN et d’un
engagement américain sans faille), les Etats-Unis n’ont évidemment pas
l’intention d’envoyer leurs soldats.
Heureusement,
ajoutons-y tout de suite. Et heureusement qu’ils le disent clairement enfin, au
moins. A observer, à partir de là, d’une part le changement de ton des petits
belliqueux, de l’autre les efforts de communication pour convaincre que cela
n’a aucune importance pour l’OTAN et l’engagement US. Lesquels auraient, de par
leurs formidables moulins à vent, déjà fait leurs preuves tous les deux.
(Barack Obama
exclut une intervention militaire en Ukraine, Reuters, 20 mars 2014)
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