C’est un vrai
numéro d’équilibriste que le président Obama tente de réussir entre ses alliés
en Europe d’un côté, et ceux en Asie de l’autre. Le voilà donc en pleine crise ukrainienne,
parti faire une tournée pour rassurer ses partenaires asiatiques que le pivot
vers eux existe bel et bien - le contraire du message que l’administration US
s’efforce d'envoyer à ses alliés européens.
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(Crédit: Financial Times) |
D’après
Reuters : « Barack Obama effectue à partir de mercredi une
tournée en Asie au cours de laquelle le président américain va s'employer à
convaincre ses interlocuteurs que le pivotement" stratégique des
Etats-Unis vers leur région n'est pas qu'un effet d'annonce, mais une réalité
face à une Chine ambitieuse. Depuis que Barack Obama a annoncé en 2011 un
redéploiement des moyens militaires, diplomatiques et commerciaux américains
vers l'Asie-Pacifique, les signes tangibles de cette réorientation ont été
suffisamment rares pour alimenter le scepticisme des alliés des Etats-Unis dans
la région. »
En même temps,
l’annonce en elle-même fut amplement suffisante pour semer la panique chez les
alliés en Europe. La crise ukrainienne tombe donc à point nommé pour servir de
preuve quant à la pertinence de l’OTAN et du lien transatlantique. Tout en
sachant qu'elle est scrutée de près par les alliés asiatiques des Etats-Unis.
Lesquels attendent que Washington se montre assez déterminé vis-à-vis la Russie
pour dissuader Pékin de tenter quoi que ce soit de similaire dans cette
partie-là du globe.
« La récente
annexion de la Crimée par la Russie, et la perception d'une impuissance
américaine face aux initiatives de Moscou en Ukraine, ont nourri une forme de
malaise au Japon, aux Philippines et ailleurs. Ces pays redoutent que la Chine
interprète ces événements comme une preuve de faiblesse américaine et se sente
enhardie au point de recourir à la force pour satisfaire ses propres
revendications territoriales en mers de Chine orientale et méridionale. »
Tout en voyant dans
la crise en Ukraine un test de la détermination des Etats-Unis, ces mêmes pays
souhaitent donc se voir rassurés que l’attention de l’Amérique se détourne de
l’Europe au profit de l’Asie. D’où ledit numéro d’équilibriste. « Les
responsables américains affirment que le "pivotement", ou le
"rééquilibrage" selon le terme désormais plus fréquemment utilisé,
est bel et bien engagé en direction de l'Asie, malgré l'attention que réclament
la crise en Ukraine et les troubles persistants dans le monde arabo-musulman. »
Or, l’incapacité de
Washington à gérer plusieurs crises simultanément est depuis toujours une
source d’amusement (ou d'inquiétude) constante. On se souvient de cette vieille
boutade selon laquelle les fonctionnaires du Département d’Etat auraient fait visiter
les lieux aux membres des « Historiens de la Politique étrangère américaine »
qui se seraient étonnés de ne voir que deux « salles de crise ». A leur
question de savoir ce qui adviendrait si trois crises se pointaient en même
temps, la réponse fut mi-blague, mi-sérieux, mais en tout cas parlante. « On
requalifierait l’une d’elles en non-crise », tout simplement.
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