Géopolitique
Dans le prochain numéro de Time, Robert D. Kaplan parle de « la revanche de la géographie ». Notamment en faisant le constat que « La géographie n’a pas disparu. L’élite globalisée – les universitaires, intellectuels, analystes des relations internationales, les patrons de fondations et les puissants du monde des affaires, de même que beaucoup de dirigeants occidentaux – ont pu largement l’avoir oubliée. Mais ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est la revanche de la géographie ».
A ce propos, rappelons seulement la différence subtile entre la version française et anglaise de la Stratégie européenne de sécurité (une sorte de document de référence, approuvé par tous les Etats membres, pour définir l’UE en tant qu’acteur international). Si pour les Français « Même à l’ère de la mondialisation, la géographie garde toute son importance. », pour les Anglais il suffit de noter que “Even in an era of globalisation, geography is still important.” (« Même à l’ère de la mondialisation, la géographie est importante encore ». Toute son importance ou importante encore - un monde sépare les deux visions. Inutile de préciser à laquelle des deux la réalité des événements donne à chaque fois raison. (Exemple tiré de « L’Europe face à un monde multipolaire en déséquilibre »)
(Robert D. Kaplan, Geopolitics and the New World Order, www.time.com, 20 mars 2014)Défense européenne
La
dernière Lettre de la Représentation militaire française à l’UE est d’abord
l’expression d’une déception marquée face à la très
laborieuse mise sur pied de l’opération EUFOR RCA (en Centrafrique). Si
l’éditorial se termine en se félicitant du fait que l'opération européenne « tout de même a été lancée », ce n’est
pas sans avoir noté qu’« après 5
conférences de génération de forces, le compte n’y est pas ».
Surtout, une fois n’est pas coutume, la
Lettre n’hésite pas à se poser des questions politiques. D’après le général
Rouby (Représentant militaire permanent de la France auprès de l’UE et l’OTAN),
« Tout cela doit nous amener à réfléchir sur la volonté réelle des
Européens à lancer des opérations militaires loin de leurs bases nationales
».
Pour ce qui est de la mission européenne de formation de l’armée malienne, son mandat
vient d’être renouvelé pour deux ans (et va désormais inclure la formation des
formateurs également). Son commandant donne d’ailleurs des précisions
intéressantes sur les contributions nationales
respectives, en disant que « chaque
pays s’était porté volontaire pour accomplir une partie de la formation
correspondant à un de ses domaines reconnus d'excellence ».
« Par
exemple, la France, s’occupe de la formation infanterie avec la Grande-Bretagne
et une compagnie ‘Nordique Baltique’ (la Suède, Finlande, l’Estonie, et la
Lituanie), l’Espagne est responsable de l’instruction de la batterie
d’artillerie et des commandos, les Italiens de l’escadron blindé et des TACP [équipes
de contrôle de l’appui aérien], les
Polonais de la compagnie de logistique, etc. »
Finalement, en ce qui concerne le financement des opérations militaires de
l’UE, un court billet explicatif donne non seulement des détails sur le
mécanisme ATHENA, mais aussi, en même temps, des indications quant à la
position de la France. Pour rappel: ATHENA est le mécanisme de financement des
coûts communs des opérations militaires européennes, lequel couvre aujourd’hui
environ 10 à 20% des dépenses d’ensemble.
La Lettre met en avant le caractère intergouvernemental d’ATHENA,
conçu de façon à « permettre aux Etats
membres de conserver le contrôle politique et opérationnel des actions ».
Elle prend soin de préciser qu’ATHENA (et son Comité spécial, i.e. l’assemblée
des représentants des Etats membres) « symbolise un des bastions de souveraineté que les Etats membres ne souhaitent
pas, pour l’instant, voir être intégré au sein du SEAE [Service Européen pour
l’Action Extérieur] ».
La France suggère par ailleurs que les
missions civiles de l’Union européenne «
pourraient s’appuyer sur une structure et des processus semblables à ceux
d’ATHENA ». De même qu’elle continue à batailler en faveur d’un
élargissement du champ des dépenses éligibles aux coûts communs – afin
d’enlever une partie du fardeau financier des épaules de ceux qui consentent à
déployer leurs soldats dans les opérations de l’UE.
(LETTRE DE LA RMF n°53, Mars – Avril 2014)
OTAN
Séminaire
à Paris sur la transformation de l’OTAN. Pour mémoire: D'après le général de Gaulle, « il ne doit pas y avoir de confusion
entre ‘la déclaration sous forme du traité de l'Alliance Atlantique signé à Washington
le 4 avril 1949’ qui reste ‘toujours valable’, et l’organisation militaire
bâtie au sein de cette Alliance en vertu de ‘mesures d'application prises par
la suite’ qui ‘ne répondent plus à ce
que la France juge satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions
nouvelles’. Car aux yeux du Général, ‘les raisons qui, pour l'Europe, faisaient
de l'alliance une subordination s'effacent jour après jour’ ». Pour en
lire plus: Le Général
face à l’OTAN: une analyse toujours actuelle.
(L’Otan se transforme, www.defense.gouv.fr, 7
avril 2014)
Ukraine
Hubert Védrine sur la
crise ukrainienne. Pour ce qui est des causes
de l’actuelle crise en Crimée, l’ancien chef de la diplomatie française
mentionne, entre autres, « la
reconnaissance en 1991 de ces frontières internes à l’URSS comme étant
internationales, et sans que la question de la Crimée soit alors posée ».
De même que « la désinvolture occidentale
envers la Russie depuis 1992; les velléités provocatrices américaines et
polonaises d’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine, et les offres européennes
d’adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union Européenne; l’absence de politique
russe cohérente du côté occidental ».
Selon Hubert Védrine : « Si elle [la politique de l’UE]
est critiquée pour sa modération relative c’est par ceux (Pologne, Baltes) qui
veulent un affrontement plus direct avec Poutine. Mais jusqu’où, et dans quel
but, avec quels résultats, prévisibles? Elle pourrait l’être plutôt par son
inconséquence: avoir négligé, sous l’influence des états-membres les plus
anti-russes, le risque de placer l’Ukraine devant un choix impossible, d’avoir
sous-estimé les réactions russes, fussent-elles condamnables, et de ne pas
avoir imaginé pour l’Ukraine un statut particulier tenant compte aussi des
intérêts russes. Et de se laisser aller à une escalade de sanctions sans
scénario clair pour en sortir. »
« La
France et l’Allemagne, si possible avec la Pologne, devraient élaborer ensemble
une feuille de route permettant de limiter les dégâts symétriques de
l’enchaînement récent, de maintenir le dialogue avec la Russie, de préparer la
sortie ».
(Interview d’Hubert Védrine pour la fondation
F. EBERT sur la crise en Crimée, 21 mars 2014)
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