Industries d’armement
A
l'attention des entreprises européennes d'armement: QinetiQ contraint de se
retirer du marché de défense US. Au suivant... QinetiQ se voit donc contraint de vendre sa division
Services US. C’en est donc fini du rêve
américain pour cet ancien joyau de ce qui fut jadis la BITD (base
industrielle et technologique de défense)
britannique. Partie à la conquête du marché US, acceptant même un «
proxy agreement » qui l’a rendue de facto américaine, l’entreprise a dû
finalement se rendre compte de ce que l’on avait déjà noté à propos
de BAE Systems : « en cette période de coupes budgétaires massives, même cette
américanisation exemplaire ne suffit pas. La société commence à souffrir
outre-Atlantique de sa nationalité résiduelle, et de ses origines pas 100% US. » A
noter cette phrase de Leo Quinn, PDG de QinetiQ, interviewé par Reuters : « C'est un marché dur, nous étions en
situation de désavantage sur le plan concurrentiel, nous avons donc décidé que
les affaires [de la division US] auraient de meilleures perspectives dans une
entreprise de nationalité américaine »…
(QinetiQ To Sell US Services Division,
Defense News, 22 avril 2014)
Ukraine
1. «
Que diable vient faire un destroyer américain en mer Noire? » A propos de «
l’acte de provocation sans précédent » (i.e. survol à 12 reprises au moins)
dont le navire de guerre USS Donald Cook a fait l’objet de la part d’un
chasseur-bombardier russe dans les eaux internationales de la mer Noire, le
Lexington Institute pose la seule question qui vaille : « Que diable vient faire un destroyer US en mer Noire ? »
Pour l’auteur, « envoyer un seul destroyer dans un endroit
que les Russes considèrent presque comme leurs eaux territoriales, leur
Chesapeake Bay », n’a tout simplement
pas de sens. D’autant que « Les
Russes savent qu'il n’y a pratiquement pas de forces américaines disponibles
pour venir à l'aide du USS Donald Cook si elle se trouve en difficulté. La
sixième flotte américaine n'est que l'ombre d’elle-même. L'US Air Force en
Europe eut jadis plus de 800 avions de combat sur le continent ; aujourd'hui,
elle en a environ 130. L'armée de terre américaine en Europe est réduite à deux
brigades de combat ».
D’où un retour à la
question de départ : « Etant donné que l'administration
Obama n'a ni le goût ni les capacités pré-positionnées pour s'engager dans une
confrontation militaire avec la Russie, que diable vient donc faire un
destroyer américain en mer Noire ? ».
La réponse est
pourtant simple. Il vient faire du show
; pour que l’Amérique « réassure » ses alliés européens – et surtout qu’elle
s’assure leur allégeance à peu de frais. Sauf qu’il faut être fichtrement
croyant pour refuser de voir ce que les Russes savent déjà. Sur le terrain du
réel, les gestes de pur symbolisme (pour ne pas dire d'imposture) ne font pas
le poids.
(Daniel Gouré, What the H*ll Is A U.S. Destroyer
Doing In The Black Sea?, Lexington Institute, 15 avril 2014)
2. Il était temps. Derrière l'unité
factice d'une Alliance soudée par des garanties toutes-puissantes, les
premières dissensions se font (discrètement) entendre. D’après le
New York Times «
L’Europe de l’Est s’inquiète de la capacité de l’OTAN à freiner la Russie ».
L’Alliance est restée beaucoup trop en retrait selon certains Etats membres (à
sa frontière orientale notamment). Et le NYT de préciser que cette inquiétude
ne porte pas seulement sur la capacité, mais aussi et surtout sur la volonté de
l’OTAN de faire face à la menace russe. En raison de l’attitude de certains
alliés en Europe occidentale, peu enclins à pénaliser drastiquement
leurs relations commerciales avec Moscou.
L’article cite
l’ancien ministre de la défense de la Lettonie, Artis Pabriks, selon qui « Pour nous, ce n’est pas une question
d’argent, mais une question existentielle ». Tandis que les autres sont,
semble-t-il, motivés par leurs seuls intérêts mercantiles. Et on donne tout de
suite la liste de ces moutons noirs
: la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, tous ayant « d’importants liens d’affaire et
énergétiques » avec le régime moscovite. Ceci étant leur seule et unique
préoccupation, au moins d’après l’article.
Mais alors, qu’en
est-il de l’Amérique ? Au fait,
c’est là que l’article du NYT devient intéressant, en admettant – contrairement
aux fanfaronnades de l’OTAN – que le soutien US est, jusqu'ici, « très symbolique ». Bien sûr, dans
le cas de Washington, c’est pour des raisons nobles, à savoir pour « ne
pas ajouter de l’huile sur le feu ». Mais peu importe aux yeux de Riga,
Vilnius ou Varsovie. Ils focaliseront sur le fait que « l’administration Obama jusqu’ici rejette l’idée (…) d’augmenter de
manière significative la minuscule présence des troupes US/OTAN » Les soi-disant
envois de troupes sont en réalité des relocalisations temporaires de forces
déjà stationnées sur le vieux continent.
D’où une certaine impatience exprimée par les alliés les
plus zélés de l’Amérique. Selon le président estonien : « Tout ce qui a été dit sonne fort bien, et l'OTAN a annoncé diverses
mesures aériennes et maritimes. Mais quand cela commencera à être réellement
mis en œuvre, ça sonnera et ça paraîtra encore mieux ». Et le même
d’ajouter que ce dont ils ont besoin « ce
sont des bottes sur le terrain, une présence dans la région ». On en
revient donc au rôle traditionnel d’«
otage » des troupes US stationnées en
Europe (pour compenser l’incertitude de l’engagement américain via l’article 5
du traité de Washington).
Les propos de
l’ex-ministre letton traduisent plus qu’une impatience, un certain agacement. Pour lui, les opinions
publiques baltes et polonaise ne sont pas convaincues par les récentes annonces
de l’OTAN (le fameux « paquet de réassurances »). En effet, les divisions au
sein de l’OTAN pourraient encourager le président Poutine de tenter sa chance. « S’il le fait, et si l’OTAN ne réagit pas
avec force, alors l’OTAN est morte ». « Nous devons signaler clairement qu'il
s'agit d'une ligne rouge, pas une ligne rouge comme en Syrie, mais que si vous
traversez cette ligne, nous allons tirer ». NB : M. Pabriks sait bien de
quoi il parle quand il envoie cette petite pique, puisqu’il était en fonction
lors de la crise en Syrie…
(Steven Erlanger, Eastern Europe Frets About
NATO’s Ability to Curb Russia, The New York Times, 23 avril 2014)
Géopolitique
Etude
remarquable sur « l’empreinte » militaire US dans le monde. Actualité
oblige, reprenons d’abord quelques observations sur l'encerclement systématique de la Russie. « À la faveur de la désintégration de l’URSS et de plusieurs équipées
militaires (dont celle menée, sous couvert de l’Otan, en Yougoslavie), les
États-Unis ont avancé de façon décisive en direction de la Russie (…). Ainsi,
en Europe, ils s’installent en Albanie, en Roumanie, en Bulgarie… Plus
officieusement, grâce à des liens d’« amitié » qui ont permis l’élargissement
de l’Otan, les États-Unis se ménagent
une démultiplication des possibilités de circulation dans les airs,
d’atterrissage ou d’accostage. Au-delà des Balkans, ils ont fait une arrivée
remarquée au cœur de l’espace caspien, comme en Azerbaïdjan et au Kirghizistan
»
Pour ce qui est des
chiffres globaux, il faut calculer avec plus
de 1000 bases et plus d’un demi-million de soldats US dispersés dans le monde
(et c’est sans compter les effectifs des sociétés militaires privées ni les
fameux sites noirs).
A noter aussi
quelques remarques faites par les auteurs sur l’implication du Royaume-Uni et
de l’Australie (les deux pays érigés en modèle pour tous les autres alliés
dans le dernier Quadrennial Defense Review des Etats-Unis). D’une part, « le pays membre de l’Union européenne
disposant d’un réseau d’installations couvrant la totalité du globe et le plus
étroitement intégré au dispositif armé des États-Unis est le Royaume-Uni ».
Intégré au point que Londres n’est même pas toujours correctement informé de ce que l’Amérique manigance sur le
territoire britannique.
A l’autre bout du
globe, « Les États-Unis ont sur le sol
australien plusieurs bases dont les sites sont classés top secret – tout comme
le nombre exact de soldats présents –, ainsi qu’un centre d’écoute électronique
à Pine Gap près d’Alice Springs. (…) Les intérêts stratégiques australiens qui
couvrent un triangle Pakistan-Inde, Sibérie russe-Chine-Japon et Pacifique,
sont aujourd’hui clairement soumis à ceux des Etats-Unis – l’objectif étant de
se tenir prêt à une éventuelle intervention menée sous commandement états-unien
en Asie ». Si ce n’est pas un exemple à suivre…
(Rémy Herrera -
Joelle Cicchini, Notes sur les bases et les effectifs militaires états-uniens à
l'étranger, Documents de Travail du Centre d'Economie de la Sorbonne, 2013.28)
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