Le ministre
polonais des Affaires étrangères n’y va pas par quatre chemins. Dans un récent
article du Spiegel allemand, sur l’insuffisante préparation de l’Alliance face à une hypothétique invasion russe, Radek Sikorski
fait remarquer : « Il y a des
bases au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Turquie. Mais
il n’y a aucune base là où on en a besoin ». En avant donc, pour des
bases permanentes en Pologne et dans les Etats baltes. Après tout, quoi de mieux pour promouvoir la désescalade?
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(Crédit: www.infowar.com) |
Il faut dire que
Sikorski parle avec d’autant plus de confiance que le commandant suprême de
l’Alliance, le général américain Philip Breedlove avait déjà fait flotter l’idée de rendre les renforts permanents. Selon lui, l’OTAN
devrait prendre en considération le changement de paradigme suite aux actions
de Moscou, et repositionner ses forces en conséquence. Ce qui fait écho aux propos d’un autre haut responsable américain de l’Alliance, le
Secrétaire général adjoint Alexander Vershbow (ancien ambassadeur US à l’OTAN).
« Sandy »
s’est empressé de mettre en avant la nature non contraignante de l’accord de 1997 avec la Russie, où l’OTAN ne prévoyait pas de « stationnement permanent supplémentaire d'importantes forces de
combat (…) dans l'environnement de sécurité actuel et
prévisible ». Le Président Poutine aurait changé la donne (quoique, même
le professeur Kissinger a du mal à croire qu’il l’aurait fait sans y avoir été poussé), et l’OTAN
est donc maintenant tout à fait dans son droit d’établir des bases permanentes sur
les territoires alliés avoisinant la Russie.
Sauf que tous les
alliés ne sont pas aussi chauds à l’idée. D’après un rapport ébruité de l’ambassadeur
allemand à l’Alliance, « Des points
de vues différents s’affrontent – parfois de manière contentieuse – au Conseil
de l’Atlantique Nord » au cours des réflexions sur l’impact de la
crise en Ukraine sur l’OTAN. D’où les formules alambiquées du Secrétaire général
Rasmussen qui, tout en se montrant extrêmement déterminé, parle toujours
d’éventuels « déploiements
appropriés ».
Or l’article 5 du
Traité de Washington étant ce qu’il est (une garantie
en trompe-l’œil, pour ne pas dire imposture), les alliés déçus et
inquiets de l’Est exhortent l’OTAN, et surtout l’Amérique, à faire des gestes.
De préférence plus convaincants que la rotation régulière de troupes et l’intensification
de la planification et des exercices, programmées de toute façon dès l’année
dernière. Ils veulent que la présence de soldats américains devienne permanente au lieu de simple « persistante »
(comme on dit aujourd'hui dans la novlangue de l'OTAN).
Lors de la cérémonie d'accueil des
renforts pour l’heure temporaires, la présidente lituanienne nous a expliqué sans
ambages les raisons de cette quasi-obsession avec le stationnement de
forces US : « Si un de nos
invités est blessé cela signifiera une confrontation ouverte non plus avec la
Lituanie mais avec les Etats-Unis ». Au moins, les choses sont claires. Les convives y sont considérés un peu comme
des otages, pour se prémunir contre les incertitudes de l’engagement américain.
Heureusement que la confiance règne.
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