L’Europe de la défense
Le
Lexington Institute déplore le déclin des forces terrestres européennes.
Sans pour autant remonter aux origines de ce déclin… Pour l’analyste, « il n’y a pas de meilleur indicateur
de la démilitarisation de l’Europe que le déclin de ses forces terrestres ».
Et lui de noter : « Ironiquement,
en dépit d’avoir passé par l'effondrement de l'Union soviétique et par près de
deux décennies de budgets de défense spartiates, aujourd'hui l'armée russe se compare
plutôt bien par rapport à son ancien adversaire, l’OTAN, notamment dans le
domaine des forces terrestres. »
Ironiquement aussi,
il s’agit là d’un des résultats palpables de notre auto-enfermement dans une
logique d’origine américaine, conçue en partie pour nous pousser dans une
position de dépendance et de vulnérabilité à la fois politique et industrielle.
Cette logique impose une course folle à la technologie, et tant pis si le prix
à payer, ce sont des budgets en ruine et le délaissement de pans entiers de capacités.
A méditer, les
propos de l’amiral Owens, un des concepteurs du RMA (le soi-disant « révolution
dans les affaires militaires ») : «
Nous pouvons établir une nouvelle relation [avec nos alliés] qui soit fondée
sur l’avantage comparatif dont disposent les Etats-Unis » dans les
domaines ultra-technologiques. Il s’agit de moyens extrêmement coûteux à
développer, ce qui poussera les Européens vers plus de « coopération » avec l’Amérique. Or, poursuit-il, « Cela nous offrira un droit de regard sur la politique de défense
de nos allié européens ». C’est à cette aune (aussi) qu’il faudrait apprécier
l’insistance sur le maximum de sophistication possible, et le mépris pour tout
ce qui serait soi-disant démodé et rustique.
A méditer aussi, en
contrepoint, les observations de l’ancien chef de l’état-major, le général Henri
Bentégeat. Ce dernier s’oppose à la vision ultra-technologisée, et réclame, à
la fois pour des raisons budgétaires et opérationnelles, le retour à une sorte
de rusticité (autrement dit : du bon sens).
D’après le général,
s’il convient de garder l’interopérabilité avec nos alliés, « on peut néanmoins s'interroger au
regard de l'augmentation exponentielle du coût de certains équipements les plus
modernes, tant en ce qui concerne les coûts d'acquisition que du maintien en
condition opérationnelle - je pense notamment au Rafale, aux SNA et aux FREMM,
à l'équipement FELIN du fantassin ou encore aux systèmes d'information ou de
communication. »
« Certaines missions - je pense à l'action de l'Etat
en mer ou à la lutte contre la piraterie maritime - ne me paraissent pas
nécessiter l'emploi d'une frégate multimissions FREMM mais pourraient très bien
relever d'une simple frégate de surveillance ou d'un patrouilleur. (…) Pour
l'intervention française au Mali, est-il réellement utile de recourir à la
numérisation du champ de bataille, à la tenue FELIN du combattant, alors qu'il
suffit souvent d'équiper nos fantassins d'un GPS, comme on le fait d'ailleurs
en Afghanistan ? ».
Dit comme ça… Sauf
que c’est toute une vision, importée certes, mais visiblement de mieux en mieux
implantée en France, qui se trouve derrière. Et qui devrait donc être rejetée
de toute urgence.
(Daniel Gouré, Tanks for the Memories, Europe,
Lexington Institute, 23 mai 2014)
Royaume-Uni : achat d’armement US
«
Besoins opérationnels urgents », c’est sous cette étiquette qu’en 2010 cinq Reapers
américains ont été commandés par Londres, en vue d’un déploiement prochain en
Afghanistan. En tout cas, c’était le plan. Mais alors que les troupes
britanniques sont sur le départ, les nouveaux Reapers de sa Majesté
n’ont pas encore volé dans le ciel afghan. La raison en est simple, à en croire
le porte-parole du ministère de la Défense. La société américaine General
Atomic devait d’abord traiter en priorité les commandes de l’USAF et faire
attendre les valeureux britanniques, avec tous leurs « besoins opérationnels
urgents ».
Ajoutons tout de
suite que la priorité donnée aux commandes du Pentagone est une obligation
contractuelle pour tous ses fournisseurs. Ce qui est d’ailleurs parfaitement
légitime du côté US, mais devrait tout de même poser deux séries de questions
du côté européen. De un, cette même obligation s’applique indépendamment de la
nationalité de l’entreprise. Une fois dans l’orbite du Pentagone, les
entreprises européennes doivent, eux aussi, donner la priorité à ses ordres. De
deux, « les besoins opérationnels urgents » illustrent à merveille les
avantages de pouvoir s’appuyer sur une base industrielle et technologique
indépendante.
(Alice K. Ross, UK’s new Reaper drones remain
grounded, months before Afghan withdrawal, Bureau of investigative Journalism,
22 mai 2014)
Joint
Strike Fighter F-35
Le
F-35B est pour l’heure incapable d’atterrir à la verticale. Ce qui ne séduira
pas le public britannique, habitués aux Harrier qui le font depuis les années 60.
La version STOVL (à décollage court et atterrissage vertical) du F-35 Joint
Strike Fighter semble toujours avoir du mal à assurer la partie atterrissage
vertical de son cahier de charges. Or cette version (qui dévore, à elle seule,
au moins 21 milliards de dollars des 55 milliards consacrés au recherche &
développement du JSF) est censée équiper un jour le(s) nouveau(x) porte-avions
de sa Majesté, en lieu et place des Harrier, déjà retirés du service. Pour
lesquels cette même manœuvre fut la routine dès les années 1960-1970…
D’après l’article,
la vedette annoncée du salon aéronautique de Farnborough n’envisage donc pas
d’y effectuer d’atterrissage vertical. Ce qui promet des moments quelque peu
embarrassants à côté du Sea Harrier, également présent au salon pour incarner
l’ancienne génération… Lequel fut, par ailleurs, deux fois plus léger et deux
fois moins consommateur de kérosène que l’avion (toujours boiteux) du futur.
Pour rappel : le
choix de cette merveille technologique américaine est pour beaucoup dans la
décision finale des Britanniques d’abandonner l’idée d’un porte-avions à
catapultes et, par là, l’interopérabilité avec les Rafale. Une perte
d’autonomie à la fois au sens politique (pas d’option alternative à la
coopération/subordination aux USA) et au sens opérationnel (le rayon d’action et
la charge utile maximum des versions STOVL étant considérablement réduits par
rapport à la version lancée par catapultes et freinée par des brins d’arrêt).
(Bill Sweetman, Why Can’t America’s Newest
Stealth Jet Land Like It’s Supposed To?, The Daily Beast, 26 mai 2014)
L’Union
européenne
Le Président
Hollande parle d’Europe. Lors des commémorations du 8 mai, le chef de
l’Etat fait un vibrant plaidoyer pour l’Europe (du genre « sortir de l’Europe
c’est sortir de l’Histoire »), et il y fustige, entre autres, le « trop d’égoïsme » et le « repli national ». Ce qui fait penser à
une remarque ironique de Christopher
Patten (dernier gouverneur britannique de Hong-Kong, ancien Commissaire
européen aux Relations extérieures) à propos des lamentations fréquemment
entendues à Bruxelles sur « le manque de
sentiment européen » à telle ou telle réunion.
D’après Patten : « J’imagine que l’on veut indiquer par là
l’exaspération de voir les dirigeants démocratiquement élus de vingt-cinq Etats
membres [28 depuis] peu disposés à reléguer au second plan ce qu’ils
considèrent être les intérêts de leur propre pays, au profit d’un caprice
plutôt vague. Ce que cette idée – si on peut considérer ça comme une idée –
tend à oublier, c’est que l’ambition supranationale a été acceptée à l’origine
parce qu’elle correspondait aux intérêts nationaux ». Reste à voir si c’est
toujours le cas. L’Europe est censée être au service des Nations et pas vice
versa.
(Le Président François Hollande
interviewé par France2 lors des commémorations du 8 mai, le 8 mai 2014)
Allemagne : exportations d’armement
Le
débat autour les exportations d’armement s’intensifie à nouveau en Allemagne.
Notamment entre les partis de l’opposition qui se réfèrent aux promesses
publiques du ministre de l’Economie à appliquer des critères plus rigoureux, et
le parti de la chancelière Merkel (le CDU) soucieux d’assurer des débouchés
pour les industriels allemands (même si cela signifie que la part des
destinataires considérés comme pas tout à fait recommandables va en augmentant).
C’est toujours
divertissant d’observer les contorsions des politiques d’outre-Rhin, à cheval entre leur idéologie pacifiste et la réalité des exportations d’armement. A
noter cette remarque du député CDU Joachim Pfeiffer, réfutant les critiques
concernant les ventes d’armes dans des zones de conflit : « Si j’exporte des détecteurs de mines,
je dois les exporter vers un endroit où il y a des mines à éliminer, et non pas
là où il n’y a pas de mines ». Certes. D’autant que, c’est bien connu,
les conflits se limitent en général à de sympathiques actions de déminage…
A sa décharge,
Pfeiffer fait également valoir des arguments de Realpolitik. Ainsi, il explique
que « les exportations d’armement
sont un instrument légitime et nécessaire de la politique étrangère et de
sécurité » et qu’une approche plus restrictive dans ce domaine « conduirait à une dépendance dans le
domaine de la technologie militaire ». Ce qui est vrai. Sauf qu’une
telle exigence d’indépendance serait beaucoup plus crédible si elle ne s’appliquerait
pas qu’au cas par cas, mais reposerait sur une vision stratégique.
(MP’s slam « Hypocritical » German
Weapons Deals, Deutche Welle, 22 mai 2014)
Voir aussi la
partie consacrée à l’Allemagne dans l’analyse « Les politiques d’armement
en Europe » :
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