A l’approche de la fin de son mandat, le
directeur général adjoint (britannique) de l’Etat-major de l’UE a souhaité lancer
une mise en garde, certes prudente, mais qui n’en est pas moins claire. Dans
le fond, il s’agit de défendre la
légitimité d’une composante militaire digne de ce nom au sein des instances de l’Union européenne. Comment s’intégrer aux autres composantes (beaucoup plus
puissantes) sans s’y fondre, telle est bien la question.
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La revue de l'Etat-major de l'UE |
Comme le dit le contre-amiral Williams, « L’intégration ne signifie pas un
processus d’amalgame. Notre force collective doit s’appuyer sur nos attributs
uniques – nos différences – et non pas aboutir à l’inféodation de l’instrument
militaire à la masse diplomatique beaucoup plus importante du SEAE [Service
européen d’action extérieure]. L’atout unique du volet militaire est comment il
arrive à proposer une recommandation militaire collective (et non pas une
palette d’opinions militaires) à travers le processus d’état-major – une méthode
qui a fait ses preuves ».
Or si le directeur adjoint sortant éprouve le
besoin de rappeler ces évidences, c’est parce qu’elles
risquent d’être balayées, justement. L'ancien représentant de la France au COPS (Comité politique et
de sécurité de l’UE) en a déjà fait le constat il y plus d’un an. D’après
l’ambassadeur Falconi : « Pour certains,
l’Union européenne ne faisant plus que des opérations militaires de faible
ampleur, il est inutile de conserver un état-major et mieux vaut se concentrer
sur le civil. Pour d’autres, les structures de gestion de crise ne sont pas
suffisamment en interaction avec les directions politiques géographiques, et il
faudrait les éclater. La France se bat
contre cette idée, qui rendrait désormais impossible toute opération de type
Tchad ou RDC. En outre, perdre la compétence que représentent ces structures,
au motif qu’on met un peu de sécurité partout pour faire plaisir, c’est
l’assurance de se priver à jamais d’instruments ».
Il est réjouissant de voir un haut gradé
britannique partager la même ligne d’analyse. Au fait, le contre-amiral Williams
y ajoute même un sentiment d’urgence. Notamment à cause de l’insuffisance de plus en plus flagrante des effectifs de l’EMUE par
rapport à leurs tâches croissantes. « Un
personnel limité en nombre, de pair avec une compétence qui s'étend des
concepts et du développement capacitaire jusqu’aux opérations en cours,
signifient que l’effort d’hiérarchisation est vital. Mais on ne peut pas étirer
la corde que jusqu’à un certain point, et on atteint maintenant vite les
limites de l'EMUE ».
Complétons-le avec un autre souci, celui d’assurer
la qualité des officiers envoyés par
les Etats-membres. Sur ce plan, la concurrence est d’ailleurs bien réelle (depuis
le lancement de la politique européenne de défense) entre l’UE et l’OTAN pour savoir
vers laquelle des deux on envoie les meilleurs éléments. Ce n’est pas un hasard
si le directeur général Wosolsobe lance un appel aux gouvernements : « Il est important de noter qu’une
telle performance ne peut être soutenue que si les Etats membres continuent à
nous envoyer du personnel militaire de haute qualité ».
« De
toute évidence, poursuit-il, les officiers bien formés sont une ressource rare
et leur affectation à Bruxelles pèse souvent d’un poids supplémentaire au
niveau national. Par conséquent, on devrait les envoyer dans des enceintes où l’expertise
militaire renforce l’effort collectif, et l’EMUE devrait être très largement prioritaire
à cet égard ». Certes. A moins de considérer, comme beaucoup, que
l’EMUE (et la politique de défense de l’UE dans son ensemble) ne sont qu’une
duplication inutile de la merveilleuse machinerie OTAN…
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