Armer ou ne pas armer l’Ukraine ? Telle
est la question suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des ministres
de la défense de l’OTAN qui se retrouveront demain
5 février pour discuter de leur fameux « plan de réactivité ». Les
uns et les autres ont commencé à poser leurs jalons à la veille de la réunion. Or il
est impossible d’ignorer le potentiel de désordre, au sein du soi-disant
Occident, que comporte cette interrogation sur d'éventuelles livraisons.
D’un côté, l’administration
américaine admet d’étudier sérieusement la possibilité de fournir des armes soi-disant « défensives » aux autorités ukrainiennes. Simultanément, un groupe d’anciens
hauts responsables US (ambassadeurs à l’OTAN, en Ukraine, ancien commandant
suprême des forces de l’Alliance, et Secrétaires adjoints à la Défense ou aux
Affaires étrangères) vient de remettre un
rapport qui appelle, sur un ton résolument alarmiste, à la livraison immédiate d’armes
« létales » à Kiev.
De l'autre côté, la
chancelière allemande a catégoriquement exclu la livraison de moyens
militaires, et le ministre Le Drian vient d’annoncer que Paris
n’a pas non plus l’intention (aujourd'hui) de fournir des armes létales à l’Ukraine. Un désordre qui confirme d’ailleurs les inquiétudes de divers experts et d’anciens responsables interrogés sur le site de Carnegie Europe (plate-forme éminemment atlantiste), dans la dernière
édition de la rubrique hebdomadaire de Judy Dempsey.
Ainsi, pour le directeur de l'Institut Russie
du King's College de Londres, la question n'est pas de savoir si l'Occident en tant que tel va
livrer des armes à l'Ukraine, mais si les Etats-Unis vont le faire (éventuellement suivis
par quelques autres). Or, poursuit-il, le prix à payer pour une telle décision
pourrait être l’unité (jusqu’ici exemplaire, selon lui) des pays occidentaux. L’ancien
ministre britannique aux Affaires européennes, Denis MacShane parle, lui, carrément
d’un « axe de sympathisants de
Poutine » qui va de Londres à Berlin, en passant par Paris et Rome.
En réalité, le casse-tête des armes létales risque
bel et bien de ranimer des divisions
de fond qui se faisaient sentir dès
le départ, derrière l’unité de façade. Au point que, d’après
l’ambassadeur de la France à l’OTAN, on y « retrouve de façon
certes atténuée le climat d’il y a dix ans », lors de l’intervention américaine en
Irak. Ce n’est pas un hasard si le rapport américain déjà cité ne mentionne qu’une
demi-douzaine d’alliés (les trois Etats baltes, la Pologne, le Canada et le Royaume-Uni)
que Washington devrait tenter d'aligner.
Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les
ministres des 28 de l’Alliance préfèrent focaliser plutôt sur la suite à donner au « paquet
de réassurances » déjà approuvé par l'OTAN. Et qu’ils ratissent toutes les mesures possibles et
imaginables (comme le
déploiement d’unités « d’intégration des forces » dans les Etats
membres situés à la frontière orientale) pour envoyer un message de fermeté et
d’unité sans faille. Toujours est-il que la question de la livraison d’armes
pourrait devenir ce week-end, à la grandiose conférence annuelle sur la sécurité
à Munich, le dénommé « éléphant dans la salle ».
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