L’ambiance n'est pas assurée, pour la réunion ministérielle
de l’Alliance atlantique aujourd'hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la
démonstration prévue de la parfaite unité transatlantique est quelque peu
entachée par les toutes récentes révélations de Wikileaks sur l’espionnage américain
contre trois présidents de la République successifs. L’actuel chef de l’Etat y
compris.
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Source: Wikileaks |
Comme les
révélations qui se
succèdent et se
confirment depuis deux ans n’ont manifestement pas été suffisantes pour
susciter en France une quelconque réaction digne de ce nom de la part des dirigeants,
Wikileaks revient à la charge. En précisant, preuves à l'appui, que l’Elysée elle-même fut la cible
de la NSA. Certains (en général des politiques) en profitent
pour s’offusquer de cette pratique « inadmissible entre amis »,
tandis que d’autres (les experts et initiés) dédramatisent en parlant de « secret
de polichinelle » et de « pratique courante » dans les services.
Quoique vrai, le
constat « tout le monde le fait » passe à côté de l’essentiel. D’une
part, si le fait d’être à la fois partenaire et cible n’a rien d’étonnant dans
le monde de la Realpolitik qu’est le renseignement, l’exercice
se complique dès qu’il s’agit des Etats-Unis. Avec l’Amérique, le
partenariat est à la fois inégal et ingrat. On se souvient du président
Hollande qui, au moment de la première salve de révélations Snowden/NSA, a dû publiquement
demander que Washington veuille bien lui fournir « les informations que la
presse sait déjà ».
Surtout, la révélation de l’espionnage jusqu’aux portables
mêmes des présidents français porte un coup dur au grand récit
de la parfaite communion occidentale. De ce point de vue, le timing est impeccable.
La publication des informations survient à la veille d'une réunion très attendue des
ministres de l’OTAN.
Les 28 espèrent y donner l’image d’un « Occident » soudé, et annoncer
des mesures de fermeté qui se préparent depuis des
mois dans les chancelleries.
Or le renseignement est, et a toujours été, un des talons
d’Achille du grand récit transatlantique. Et ce même au-delà de la complexité
des relations partenaires-cibles. Pour ce qui est de
ces dernières, il suffit de rappeler que, début juin, les Etats-Unis n’ont pas
hésité à suspendre
la coopération en matière de renseignement avec les forces allemandes sur
le terrain (en Irak, dans la coalition dirigée par l’Amérique), pour marquer
leur mécontentement avec l’enquête parlementaire à Berlin qui risque de donner
lieu à des fuites.
Plus généralement, au
sein de l’Alliance, le renseignement venu d’outre-Atlantique a toujours été un des outils
de « persuasion » des alliés dans un sens conforme aux souhaits des Etats-Unis.
Comme le
dit le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, « la vraie difficulté avec l’OTAN, c’est
que le renseignement américain y est prépondérant ». Et pour donner un
exemple, il rappelle que « L’OTAN
avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les
renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse (…) La suite a
montré que nous avions raison ». N’empêche, « on a cherché à nous forcer la main au sujet de l’Ukraine ».
Or le partage du renseignement, dans un esprit de confiance, serait un des clés pour que le fameux Plan d’action
réactivité de l’Alliance (l’ensemble desdites mesures de fermeté) ait un tant
soit peu de crédibilité. Deux rapports récents de l’Assemblée parlementaire de
l’OTAN le soulignent : pour
l’un, le Plan d’action réactivité
porte le thème du partage du renseignement au premier plan, pour l’autre ce
même partage serait indispensable pour que le PAR ne se résume pas à un simple
inventaire d’outils existants.
En effet, sans appréciation commune de la situation, il n’y a
pas de consensus possible. Et sans consensus, le pimpant Plan, de même que les forces
de réaction rapide et très
rapide qui se trouvent dedans, sont voués à la paralysie. Or aujourd’hui, il semble que le volet « renseignement » est
plutôt mal parti…
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